
Le 9 août, un groupe restreint a entrepris un voyage vers La Chaussée, lieu chargé d’histoire. À la maison de l’Acadie, Florence Font-Raffin a accueilli les participants pour une exploration approfondie de l’histoire des colons originaires du Poitou qui ont migré vers l’Acadie dès le début du XVIIe siècle.
Des détails historiques remarquables ont été révélés, notamment concernant deux gouverneurs acadiens originaires de cette région : Isaac de Razilly et Charles de Menou d’Aulnay. Leur origine locale explique les importants recrutements dans les communes environnantes de Loudun.


Après un pique-nique, le groupe s’est dirigé vers Archigny, où Lucien et Roselyne Germe, descendants de pionniers acadiens, ont partagé leur histoire familiale complexe. Leur récit illustre le parcours dramatique des familles déportées en 1763 : d’abord expulsées vers l’Angleterre, puis relocalisées en région nantaise, elles ont finalement trouvé refuge sur les terres du marquis Péruse des Cars, à Archigny et La Puye.
Les participants ont eu le privilège de découvrir les maisons ancestrales et l’église acadienne, et de rencontrer une autre descendante propriétaire d’une de ces maisons historiques.
Cette journée a mis en lumière les difficultés vécues par les Acadiens : exode, guerre et déportation. Un point crucial a été souligné : aujourd’hui, les Acadiens représentent une nation unique, dépourvue de territoire mais possédant un drapeau, un hymne et une fête nationale célébrée le 15 août.
Une exploration riche qui a permis de comprendre la résilience et l’identité culturelle de ce peuple marqué par des bouleversements historiques profonds.


Histoire de la ligne acadienne
L’histoire de la Ligne-acadienne commence en 1773, lorsque le marquis de Pérusse des Cars propose un projet ambitieux d’installation de colons acadiens sur ses terres en Poitou. Ce projet s’inscrit dans un contexte historique dramatique : les Acadiens, chassés de leur territoire nord-américain lors du Grand Dérangement de 1755, cherchent à se réinstaller après des années d’errance sur les côtes françaises.
Nicolas de Pérusse des Cars, influencé par les idées physiocratiques des Lumières, voit en ces immigrants une opportunité de défricher et valoriser les terres incultes de brandes. Son plan initial prévoyait l’établissement de 200 familles, chacune recevant 176 boisselées de terrain avec une infrastructure agricole complète.
Le projet gouvernemental débute modestement en 1773, avec la construction de 15 des 30 maisons initialement projetées. À terme, 150 fermes étaient envisagées, mais seulement 58 seront effectivement réalisées. Ces habitations présentent des caractéristiques architecturales spécifiques, bien différentes des maisons acadiennes originelles.
Les constructions sont remarquables par leur technique de construction : des murs en bauge (pisé de brande ou bousillis) reposant sur une assise de silex d’un mètre de hauteur. La charpente et les ouvertures sont réalisées en bois local, avec des sols en terre battue et des toits temporairement couverts de brande.
Chaque ferme comprend un bâtiment principal, une fosse d’argile, un jardin, et s’intègre dans un village de deux à huit habitations. Le village-type est celui des Huit-Maisons à Archigny, où huit fermes sont disposées de part et d’autre du chemin.
L’organisation communautaire est pensée avec pragmatisme : un puits et un four sont prévus pour trois maisons, facilitant la vie collective des nouveaux colons. Les Acadiens reçoivent également du cheptel (deux bœufs, deux vaches) et des outils pour démarrer leur exploitation.
En 2019, un recensement révèle que sur les 58 maisons originelles, 39 subsistent encore, soit comme habitations, soit comme granges ou bâtiments annexes, témoignant de la résilience de cet héritage historique.
Ce projet représente plus qu’une simple réinstallation : il symbolise la rencontre entre des colons déracinés et un seigneur éclairé, animé par la conviction que l’agriculture peut transformer des terres considérées comme improductives. La Ligne-acadienne devient ainsi un exemple remarquable de résilience et d’adaptation, où l’histoire personnelle des Acadiens se mêle intimement à l’histoire agraire du Poitou du XVIIIe siècle.



